Séance 3 - Séminaire « Les transformations de l’Etat social » - Les réformes du logement social, et de ses publics ? (2000-2020)

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                                 Les réformes du logement social, et de ses publics ? (2000-2020)

Invité·es
- Marine Bourgeois, Maîtresse de conférences en science politique, Sciences Po Grenoble, PACTE
- Pierre-Edouard Weill, Maître de conférences à l'Université de Bretagne Occidentale et chercheur au Lab-LEX (EA 7480/UBO-UBS)
Chercheur associé à SAGE (UMR 7363 CNRS/Université de Strasbourg)

Discutant
Fabien Desage,
Maître de conférences en science politique, Université de Lille, CERAPS, Co-directeur du LIA PRINciPe.

Intervention de Marine Bourgeois
« Tris et sélections des populations dans le logement social. Les transformations du modèle HLM au risque du client »

Au début des années 1980, la dégradation des bâtiments, la fragilisation des locataires, la stigmatisation des grands ensembles et la baisse globale des aides publiques provoquent des difficultés de plusieurs ordres pour les bailleurs sociaux, en termes économiques, gestionnaires et de réputation.
Pour y répondre, et éviter d’être perçus comme les seuls logeurs des pauvres, les organismes HLM mettent en œuvre, à partir des années 1990, une série de réformes managériales (indicateurs de performance, obligation de résultats, polyvalence des tâches) qui transforment les pratiques professionnelles et redéfinissent en profondeur les modalités d’attribution des logements sociaux.

Prenant appui sur les résultats d’une enquête ethnographique menée dans trois villes françaises, cette intervention examine de façon centrale les effets des transformations managériales du travail d’attribution. Elle met l’accent sur le durcissement de l’encadrement des agents de terrain, la sensibilité accrue de ces derniers aux enjeux de peuplement et le renforcement des pratiques discriminatoires dans les processus d’attribution des logements sociaux.
A l‘aide de données complémentaires issues d’une enquête collective sur les recompositions des politiques d’attribution, elle montre également comment les réformes législatives les plus récentes échouent à lutter contre les facteurs de reproduction institutionnelle des discriminations dans l’accès au logement social, et ce malgré les objectifs affichés en termes de transparence et lutte contre les discriminations.

L’effritement de la vocation sociale du modèle HLM tient donc autant aux évolutions des organisations en charge de la mise en oeuvre des politiques d'attributions qu’à la faiblesse du pouvoir normatif de l’Etat dans ce domaine.

 Intervention de Pierre-Edouard Weill
« Rationaliser les politiques sociales par le recours à la justice administrative ? Limites et effet pervers du droit au logement opposable (DALO) »

La loi sur le droit au logement opposable (DALO) du 5 mars 2007 introduit une possibilité de recours à la justice administrative pour les personnes sans domicile ou mal-logées. L’action publique intègre ce faisant une forme de critique sociale du droit et par le droit portée par les associations impliquées dans le logement des personnes défavorisées, et récupérée par des personnalités politiques et des hauts-fonctionnaires prônant une « culture du résultat ».
La loi conjugue deux formes de rationalité, en valeur et en finalité : le recours à la justice administrative doit à la fois contribuer à restaurer la dignité des personnes sans domicile ou mal-logées et à objectiver les besoins de logement « prioritaires et urgents ».

Plus d’un million de requérants ont fait valoir leur droit dans le cadre de la procédure établie par la loi DALO depuis son entrée en vigueur, soit une part croissante des demandeurs de HLM. Moins d’un tiers d’entre eux a cependant vu la situation de son ménage reconnue comme « prioritaire et urgente ». Et en dépit de l’accumulation des condamnations de l’Etat par les tribunaux administratifs, une large proportion de « prioritaires  DALO » reste en attente d’un logement, soit en l’absence de proposition liée aux réticences des élus locaux et bailleurs sociaux, soit par inadaptation de l’offre aux caractéristiques ou attentes des ménages.

À travers une approche transversale – des sommets de l’État aux sans-abris - une enquête combinant de multiples matériaux et méthodes qualitatives et quantitatives montre comment judiciarisation et ciblage des politiques sociales peuvent s’articuler.

Elle donne ainsi à voir une tentative de rationalisation de l’action publique par le recours à la justice, en pointant ses limites et ses effets pervers.


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