L'intervenante et autrice de l'ouvrage discuté : Emmanuelle Bouilly
Maître de conférences en science politique - Sciences Po Bordeaux
Discutants : Baptiste Schummer et Thibault Boughedada, doctorants au Ceraps
Etant donné les conditions sanitaires actuelles,
afin de participer à la séance, il convient de remplir ce sondage (https://framadate.org/ke9blIAhZrTlhyEc) avant le lundi 19 octobre midi si vous souhaitez y participer.
Cela rigidifie un peu les choses, mais il ne sera pas possible de participer sans cette inscription préalable, qui nous permet de prévoir une salle assez grande et, le cas échéant, de limiter le nombre de participant.es.
Nous vous rappelons également qu'il sera obligatoire de porter un masque pendant toute la durée du séminaire (comme dans toute l'enceinte de la faculté d'ailleurs).
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L'ouvrage : Du couscous et des meetings contre l'émigration clandestine.
Mobiliser sans protester au Sénégal.
Lien internet : ICI
Editeur : Dalloz
Collection : Nouvelle Bibliothèque de Thèses
Sous-collection : Science politique
Parution : 06/2019
ISBN : 978-2-247-18712-6
Tel est le point de départ du livre d'Emmanuelle Bouilly : une mobilisation de femmes contre l'émigration au Sénégal. Le lecteur non averti, surtout s'il ne s'intéresse pas à l'Afrique, surtout s'il pense que l'on est là bien loin des lieux de la politique légitime, pourra soupirer : tout n'a-t-il pas été dit au sujet du monde des ONG et du développement ? Or le livre s'avère un travail de premier plan, qui apportera beaucoup (en dehors même de sa contribution à l'histoire politique du Sénégal) à quiconque s'intéresse aux mobilisations, à leurs rapports aux médias, aux mondes du développement, aux liens entre partis et mouvements sociaux, au clientélisme, aux questions de genre ou encore à l'engagement et aux rétributions du militantisme. Car c'est à tous ces domaines que contribue ce livre qui montre que se mobiliser n'équivaut pas à protester, et que s'enfermer dans une conception légitimiste du « bon » mouvement social tend à invisibiliser des formes de revendications et de prise en charge du malheur social particulièrement investies par les femmes, et ceci encore plus quand il s'agit de femmes du Sud elles-mêmes saisies par les organisations du monde du développement. Emmanuelle Bouilly ne se laisse jamais enfermer dans des oppositions binaires au sujet des effets politiques du développement (“ dépolitisation » vs. empowerment des « sociétés civiles »). Elle part du principe que le développement est un des langages principaux dans lesquels se formule le politique au sud du Sahara : cela implique de comprendre ce que le développement (comme principe, monde de ressources, et ensemble de pratiques) fait à la mobilisation, aux façons de s'assembler, de se réunir, d'accumuler des ressources, de défendre des intérêts... et si se mobiliser suppose de s'asseoir sur des chaises en plastique lors d'un atelier de « restitution », alors cela doit être pris au sérieux. Cette attention à ce que le développement fait à la mobilisation n'évacue jamais une question importante : le développement n'est pas un deus ex machina des mobilisations. C'est ce qui explique que l'écriture tienne de façon si fluide l'articulation entre l'histoire longue de la mobilisation des femmes au Sénégal, et les techniques contemporaines du monde du développement. Cet ouvrage n'a nul besoin de prendre un ton indigné : ce qu'il décrit n'en a que plus de force, celle que donne un terrain ethnographique dense déployé au Sénégal durant plusieurs années. On chemine tout au long du livre à travers des observations d'une très grande justesse, qu'elles soient drôles ou parfois poignantes.
Johanna Siméant-Germanos
Préface de Johanna Siméant-Germanos.